Forte de son expérience de 25 années à des postes de management et de direction, Delphine Bérain, coach professionnelle, consultante et formatrice (en time management et en efficacité professionnelle), accompagne managers, dirigeants d’entreprise et entrepreneurs.
Depuis la première période de confinement en 2020, plusieurs millions de salariés en France ont dû changer et adapter leur mode de travail ; le télétravail est désormais rentré dans les mœurs de bon nombre d’entreprises et dans la vie quotidienne de beaucoup de salariés.
En échangeant avec des dizaines de managers, d’entrepreneurs et de salariés lors de sessions de coaching et de formation, Delphine Bérain a pu constater les différentes façons d’appréhender le télétravail.
Ce changement a donné lieu à des découvertes et à des déceptions, selon Delphine Bérain.
Après la deuxième période de confinement en novembre 2020 dernier, il lui semblait opportun de pouvoir partager des outils simples à mettre en œuvre et utiles à tous, sous forme d’un ebook téléchargeable et accessible à tous : « 7 clés fondamentales pour manager à distance avec efficacité et bienveillance ».
Le Premier Ministre, Jean Castex nous a rappelé le 4 février dernier :
Le 23 mars, dernier le président Emmanuel Macron a réitéré l’appel sur le distanciel :
Dans ce contexte de crise sanitaire et de télétravail qui perdure, j’ai souhaité poser 7 questions à Delphine Bérain :
1) Quels sont, selon vous, les plus grands défis auxquels les managers font face actuellement ?
Le plus grand défi auquel font face les managers est celui de l’adaptation en période de crise dans un temps court. La citation de Charles Darwin peut s’appliquer au management et prend tout son sens : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux au changement ». En effet, quasiment du jour au lendemain, les modalités de travail ont évolué. Dans ce contexte, les managers doivent répondre à un double défi, permettre à leurs équipes de faire face tout en étant eux-mêmes directement concernés et impactés dans leur sphère professionnelle et personnelle. Leur capacité à s’adapter, à innover, à faire preuve de flexibilité et à décider rapidement est challengée au quotidien, tout cela avec une bonne dose d’incertitude sur l’avenir.
2) Comment le télétravail peut affecter la santé morale ?
Le télétravail peut affecter la santé morale par la confusion des temps personnels et professionnels lors du travail à domicile. Des comportements différents voire extrêmes ont pu être constatés à l’occasion d’enquêtes. La difficulté à s’imposer un cadre de travail peut avoir pour conséquences de ne pas savoir mettre de limites comme par exemple travailler tard le soir ou le weekend ce qui empêche de faire vrais breaks et de se ressourcer et entraine donc de la fatigue physique et mentale. Beaucoup de salariés font état d’un nombre d’heures de travail amplifié à domicile. A l’inverse, des salariés peuvent être en difficulté en travaillant à domicile car ils n’arrivent pas à se mettre au travail. Ils ne trouvent pas la motivation à travailler seuls hors du cadre habituel. Cette situation est insatisfaisante et peut leur procurer un sentiment de culpabilité et du stress, ce qui pèse sur leur mental.
La santé morale est affectée également par la perte de lien social. Pour la majorité des collaborateurs, les échanges avec leurs collègues sont essentiels à leur bien-être. Quand ces échanges disparaissent, ils ressentent un grand vide qui peut se transformer en état dépressif, notamment lorsqu’ils vivent seuls. C’est pourquoi des salariés ont été satisfaits de la mise en place du télétravail partiel avec quelques jours de présence en entreprise. Quand cela est possible, cela peut-être un bon compromis.
3) Que peuvent faire les managers et les dirigeants d’entreprises pour s’assurer du bien-être de leurs employés ?
La première chose à faire est de prendre le temps de les contacter non pas pour leur demander si le dossier est xyz a été réglé mais simplement pour prendre de leurs nouvelles. C’est ce que j’appelle le lien humain. A cette occasion, il pourra être judicieux de s’intéresser à leurs conditions de travail et de vie sans rentrer dans la sphère intime bien entendu. Est-ce qu’ils disposent d’un espace suffisant à leur domicile pour travailler, du matériel nécessaire ? Sont-ils entourés ? Rencontrent-ils des difficultés particulières, en quoi ont-ils besoin d’aide ? Les managers devront développer l’écoute active pour détecter des signaux d’alerte dans les paroles ou les silences.
Ensuite, il faut installer un lien professionnel cette fois, c’est-à-dire un contact régulier à juste dose sur le suivi du travail et les informations essentielles à transmettre. J’ai été très étonnée lors du premier confinement de constater le nombre de personnes qui n’avaient plus aucune de nouvelle de leur manager ou au contraire qui se sentaient contrôlées en permanence. Cela démontre bien les propres difficultés du manager à s’adapter à ce changement de mode de travail. Lui-même étant peut-être en difficulté, cela se répercute à tous les échelons de l’entreprise. Il est important pour le manager, qui devra s’adapter en permanence, de trouver la juste distance avec chaque collaborateur, chacun n’ayant pas les mêmes besoins. C’est là tout l’art du management.
4) Que peut-on faire si on a le sentiment qu’un.e collègue rencontre des difficultés ou se sent seul.e ou isolé.e ?
Je conseillerais d’être transparent avec cette personne. En cas de difficultés, lui dire par exemple « il me semble que cette période est difficile pour vous en ce moment, en quoi puis-je vous aider, de quoi avez-vous besoin, etc. ? » Il est essentiel de créer une relation de confiance pour permettre l’expression d’une difficulté. Il peut être judicieux d’en référer à son supérieur hiérarchique ou au service des ressources humaines suivant le type de difficultés.
5) Comment évaluer l’efficacité et la motivation d’une équipe qui fonctionne à 100% en télétravail, tout en respectant l’humain ?
C’est vraiment là que les compétences managériales prennent toute leur ampleur. Je pense qu’il faut instaurer des règles du jeu explicites afin que chacun sache comment cela va se passer pour lui et pour l’équipe dans ces nouvelles conditions de travail. Quand on connaît les attendus c’est plus facile d’y répondre. Le manager peut créer des temps d’échanges réguliers en binôme et en collectif où chacun pourra rendre compte en privé et devant le groupe. Il est primordial de valoriser les avancées de l’équipe, le travail réalisé, les prises d’initiatives, les victoires mêmes les plus petites pour entretenir la motivation. En cas de difficultés de certains collaborateurs, le recours aux techniques de co-développement est intéressant car elles favorisent la co-construction de solutions et donc l’engagement et l’efficacité.
6) Pensez-vous que cette crise va changer la façon dont les équipes fonctionneront à l’avenir ?
Quoi qu’il arrive, je considère que nous ne retournerons pas à la situation d’avant la crise. Les entreprises réfractaires au télétravail se sont aperçues après l’avoir mis en place parfois en mode « marche forcée » que c’était possible et qu’elles pouvaient en tirer des avantages. Les modalités de travail en équipe vont donc continuer à s’adapter et à faire appel aux outils numériques de plus en plus performants pour alterner les modalités de travail en présentiel et à distance sans perdre en qualité.
D’autre part, les équipes vont continuer à activer leur capacité à innover et à travailler ensemble. Les temps de crise soudent ou font exploser les équipes. Parions que celles qui auront su trouver des solutions pour créer un collectif et rester soudées auront plus de facilités à faire front à la crise et en sortiront grandies et plus fortes. L’humain doit être remis au cœur de l’entreprise.
D’autre part, j’ai pu constater la création de communautés de travail sur des thématiques communes avec des personnes dispersées sur tout le territoire. L’équipe peut prendre un nouveau sens, celui d’une communauté au service d’une thématique, d’un projet, etc. Cela crée une vraie dynamique, un réseau étendu, des soutiens aussi. C’est moins conventionnel et tout aussi efficace car cela permet de monter en compétences. Le travail à distance peut-être une opportunité de créer des équipes qui n’auraient pas vu le jour autrement.
Parfois on se rend compte de la valeur des choses quand elles disparaissent. C’est ce qui s’est passé avec le lien social dans l’entreprise. Cela va impacter la qualité des relations dans le futur. Je pense également que les équipes vont se poser plus de questions sur le sens de leurs pratiques et les revisiter en conséquence.
7) Comment, selon vous, maintenir la motivation au quotidien dans le cadre du télétravail ?
Le maintien de la motivation en télétravail nécessite des leviers identiques à ceux utilisés en travail en présentiel. Toutefois certains points doivent être adaptés et amplifiés et il pourra être nécessaire d’utiliser des leviers, propres au management à distance.
Le manager d’une équipe totalement ou partiellement en télétravail doit particulièrement veiller à ce que la communication au sein de l’équipe, soit régulière et fluide.
Le sens donné aux missions doit être explicité et les objectifs clarifiés. Plus les collaborateurs savent ce qu’ils ont à faire et à quoi cela sert, plus ils seront motivés.
La confiance est un des piliers du travail à distance. Elle se décline en confiance du manager envers ses collaborateurs et en confiance de ces derniers vis-à-vis de leur manager.
Il est préférable de manager en termes de réalisation du travail, c’est-à-dire le « quoi faire » et accorder de la souplesse sur le « comment faire ».
Enfin, les feedbacks réguliers sont primordiaux pour sonder les collaborateurs quant à leurs besoins et à leurs ressentis. Ils doivent également permettre de valoriser et reconnaître le travail accompli et de s’assurer que toute l’équipe travaille dans le même sens, au service du même objectif.
vous trouverez le lien vers l’ebook de Delphine Bérain en cliquant sur l’image